L’avantage avec les longs voyages, c’est que tu as toujours le temps de lire un livre ou deux … oui, ceux qui trainent dans les sacs et qu’on doit commencer « plus tard ». J’ai donc pu lire complètement « J’ai débranché » de Thierry Crouzer. L’expert de rien (c’est lui qui le dit), y décrit son expérience de deconnexion totale de 6 mois. Vous pouvez d’ailleurs pousuivre sa vision en lisant son blog (blog.tcrouzet.com).
Je ne peux m’empêcher de mettre cette expérience en lien avec l’intervention de Fadhila Brahimi au TEDxAlsace sur la notion de pause digitale. Dans les deux cas se pose la question de la dépendance au Net en général et aux interactions du web 2.0 en particulier. L’approche est très différente et je suis clairement plus en phase avec celle de Fadhila. Je vais tenter un résumé de ce que je comprends de ces deux visions en étant extrèment synthétique, vous m’en excuserez.
Thierry Crouzet nous parle de ce que nous gagnons en entrant dans l’ère numérique alors que Fadhila nous parle plutôt de ce que nous y perdons. Plus clairement imaginez un chemin, que vous voulez emprunter pour aller de A vers C en passant par B. La première approche nous parle du chemin direct A => C que le numérique permet. La second se concentre sur le fait que nous ne passons plus par B, et que cela peut avoir des conséquences. Il ne s’agit pas de porter un jugement a priori mais de bien comprendre le changement que cela implique.
La démarche de Thierry Crouzer me convainc moins parce que j’y vois le remplacement d’un extrémisme par un autre. Rien d’extraordinaire à cela, L’auteur parle de ce genre de réactions dans le livre. Les expériences extrêmes sont intéressantes, elles peuvent apporter des réponses particulières mais elles sont difficilement reproductibles car elles nous permettent peu de projections. Internet reste pour moi un outil, même s’il est devenu de plus en plus complexe surtout depuis qu’il est réellement participatif. Nous n’avons d’ailleurs jamais eu dans notre histoire d’outils d’une telle complexité. Je parle bien de la notion de « complexité » telle qu’on l’entend en physique, ce qui ne veut pas dire « compliqué ». La notion importante est l’interdépendance des éléments et les boucles de retroactions que cela implique. Le système global peut donc produire des choses étymologiquement « imprévisibles ». C’est bien ce qui fait du Net d’aujourd’hui notre 6ème continent. Et c’est donc aussi cela qui fait évoluer nos relations sociales !
Pour appréhender cette complexité la démarche de Fadhila est donc plutôt de « prendre un moment » pour bien avoir conscience de ce fameux point B, par lequel on ne passe plus. Dans 99,99% des cas, cela constitue une simplification de la démarche. Mais on ne peut pas simplifier sans perdre quelquechose dans l’histoire. A nous de bien comprendre cela. C’est peut être l’essence de ces pauses digitales dont elle parle ? J’avoue que j’aimerai bien qu’elle détaille plus sa pensée la dessus 🙂
Finalement, dans les deux cas, la notion centrale est, il me semble, celle du « temps réel« . Peut-être que le web 2.0 d’aujourd’hui est arrivé à nous pousser dans ce temps réel tellement loin de notre mode de pensé classique. Nous ne sommes pas encore biologiquement ces êtres-réseaux dont parle Thierry Crouzet 🙂
Il faut décidément que je trouve le temps de relancer l’idée de HumanCamp pour avancer sur cette notion de l’humain face au numérique !
Tu as vraiment lu mon livre ? 🙂 Tu confonds mon expérience et les conclusions que j’en tire, qui pour certaines recouvrent celles de Fadhila.
Merci pour ton commentaire Thierry. Oui je te confirme que j’ai vraiment lu ton livre 🙂 Je synthétise un peu rudement ici car je t’avoue que mes idées ne sont pas si claires que cela dans ma tête. C’est un sujet vaste de celui des conséquences de l’intrusion du numérique dans nos vies. Vous vous retrouvez sur certains points avec Fadhila mais je sens vos approches assez différentes.
Meilleurs résumé de mon propos « Avec «J’ai débranché», le blogueur offre une méditation sur la complexité du lien entre l’individu en chair et en os et l’être/réseau, une réflexion sur la difficulté à gérer la double appartenance de l’identité sociale et de l’identité virtuelle. » Sur http://www.slate.fr/story/49753/HIGH-TECH-thierry-crouzet-internet-retraite-addiction-debranche
Pour moi, c’est le problème à résoudre…
Bonjour Grégory, je confirme Thierry a réalisé une exploration en débranchant totalement ; il arrive à la conclusion de la nécessité de mettre des pauses. Pour ma part, j’ai débranché de temps en temps en prônant la pause digitale. Nous arrivons tous les deux au même résultat mais avec une exploration différente. La sienne est « théorisée » et explicitée dans son ouvrage. La mienne est dans des articles, vidéos et une veille régulière mais certainement moins explicite. Mais nous parlons tous les deux de ce que nous perdons et ce que nous gagnons. Je viens de lire que tu présentes mon exploration sous la forme de « ce que nous perdons ». Là tu te bases par rapport au talk du tedxAlsace où je voulais surtout évoquer « la prise de conscience »
En revanche, voici la vidéo où j’explicite mon exploration à l’Ignite Paris http://www.blogpersonalbranding.com/2011/11/strategie-de-presence-pour-gerer-ses-temps-de-presence-et-de-pause-digitales/
Merci pour la précision Fadhila, je vais regarder la vidéo de l’Ignite avec plaisir.
Pour l’interprétation du livre de Thierry, comme dirait Coluche, c’est la mienne et je la partage 🙂 La notion de perte comme tu l’as présentée ne m’a pas sauter aux yeux. C’est probablement que je suis plus sensible à ta façon de l’apporter.
Dans tous les cas, je reste assez convaincu que c’est notre rapport au temps qui est bouleversé par le Net (temps réel, mémoire, trace, oubli, etc.) et une partie des conséquences en est l’évolution de notre rapport aux autres. Il nous manque encore les assistants intelligents qui vont nous « redonner » la capacité de prendre du recul en restant branchés en permanence … Bref, encore une fois la lance et le bouclier quoi 😉
Parfaitement Gregory Je me suis mal exprimée. Tout est question de perception. Cette dernière étant personnelle. Et oui…. la lance et le bouclier. Les outils étaient censés nous redonner du temps 😉