J’ai eu le plaisir de lire en peu en avance le livre de Béatrice Jousset-Couturier (chez Eyrolles) sur le transhumanisme et je ne peux pas m’empêcher de faire quelques parallèles avec l’utilisation et de la développement de la réalité augmentée.
Le sujet du transhumanisme me semble passionnant. Tout d’abords parce qu’il est très lié à la réalité virtuelle et augmentée. En effet, une des premières expériences d’augmentation de notre perception peut se vivre dès aujourd’hui avec ces technologies. Vous le savez aussi bien que moi, l’arrivée dans les prochaines années des dispositifs portables de type casques ou lunettes, va nous permettre d’appréhender le monde avec des super pouvoirs.
Depuis que je suis intervenu sur le sujet de l’Humain Augmenté à l’invitation de la fondation Télécom je creuse le sujet et j’essaye de comprendre les différents mouvements qui gravitent autour de ce concept. Le livre de Béatrice Jousset-Couturier est parfait pour reposer les bases du mouvements transhumaniste et arrive, en finalement peu de pages, à donner des clés de compréhension indispensables. Si vous voulez en savoir plus, je vous invite évidement à le lire. Je me contenterai ici de mettre en lumière quelques points qui m’ont marqués et les liens que je vois avec la réalité augmentée.
Je partage avec l’auteur un idée forte : le transhumanisme (au sens plus américain de transition vers une autre forme d’humanité) est déjà là. Il ne s’agit plus de ce demander si on est pour ou contre, le choix a déjà été fait collectivement. L’humanité ne cesse de chercher à s’améliorer, de lutter contre la maladie, d’aller dans des endroits improbables et finalement de se transformer elle même. Qu’est ce que la mort finalement sinon une maladie incurable aujourd’hui 🙂 L’idée est donc de savoir comment aborder la chose et si elle doit se traiter sur un plan individuel ou collectif. Dans l’ensemble, les courants transhumanistes sont plutôt centrés sur l’individu. On peut penser que, ce choix étant individuel, il est salutaire et respecte nos libertés. Évidement, la réalité est plus compliqué car nous vivons (pour le moment) en société et la pression du groupe, le conformiste, la peur de l’exclusion restent des vérités fondamentales de nos vies qui jouent sur ce choix.
Si donc la pensée transhumaniste et son acceptation progresse, même à des vitesses différentes suivant les lieux, on peut en déduire que les réticence actuelles à utiliser des dispositifs « intrusifs » comme les lunettes ou les casques va également diminuer. La génération qui a 15 ans aujourd’hui s’empare déjà de ses outils de manière naturelle. Si les progrès technologiques continuent, nous serons tous augmentés d’ici 5 ans à 10 ans.
Un autre point important du livre est le lien entre le transhumanisme et la religion. Je ne parle pas des religions actuelles qui ont un peu de mal à accepter la transformation de l’Humain en dieu (où en tout cas la volonté de le faire) mais plutôt de la tentation de scientisme ou même de la théologie séculière. C’est une dérive étonnante pour un mouvement dont le socle est profondément scientifique, mais aussi une tentation de facilité pour certaines personnes. Le risque évidement est de renoncer à se poser des questions sur les choix à suivre et à accepter comme dogmes les visions de certains gourous (ou IA pourquoi pas!)
La résonance avec les utilisations de la réalité augmentée me semble assez forte sur ce sujet. En effet, accepter sans discuter les « ordres » de la machine peut amener à la perte de prise de recul dangereux. Imaginez un opérateur en train d’intervenir sur un machine, assisté par un outil de réalité augmentée. Comme le former à garder son esprit critique sur son action et à ne pas passer de l’assistance à l’assistanat ? C’est une question qui va se poser de plus en plus dans le domaine industriel ou médical ce qui, vous l’avez compris, m’intéresse beaucoup !
Au-delà de ces deux points il y a bien d’autres éléments abordés dans le livre dont la place des robots et des IA, leur droit et leur devoirs, la place de l’Europe et de la France dans les réflexions sur le domaine (c’est pas encourageant), etc.
Je suis un peu déçu de la faible place des mondes virtuels (RA et RV) car ils me semblent poser de vraies questions sur les évolutions possibles de l’Humain. Comme il est dit dans la chapitre qui est consacré à ce sujet, n’allons nous pas choisir de construire notre propre monde plutôt que de nous adapter au réel ? Dans ce cas, nous serions tous des dieux dans des simulations personnelles 🙂
Bref, vous l’avez compris, je vous invite fortement à lire ce lire si, comme moi, vous êtes intéressé par ce domaine mais vous manquer de bases pour le comprendre !