Je viens de lire avec un grand intérêt l’ouvrage de Jean-Henry Morin « la responsabilité numérique ». Si je me permets de rendre interrogative la phrase qui fait le sous titre du livre, c’est parce que j’ai vraiment un doute sur le retour de la confiance !
Je ne vais pas vous résumer le livre, vous pourrez trouver toutes les informations sur le contenu en lisant son résumé et avec cette synthèse de la conférence donnée par l’auteur sur ce thème. Je dirais simplement que l’analyse du paradoxe de la sécurité, présentée dans les premières pages du livre, est particulièrement éclairante.
« Les études récentes montrent qu’une personne sur deux est amenée quotidiennement à contourner les politiques de sécurité informatique établie par leur organisation (privée ou publique), parce qu’elles les empêchent tout simplement de faire leur travail. »
http://www.ionis-group.com/actualites/ISG-stimulo-responsabilite-numerique
Cette constatation dans le monde du travail (qui me rappelle l’article de ce blog sur les incompréhensions entre DSI et métiers) s’étend à notre vie de tous les jours. En effet, nous sommes consommateurs, par exemple, de biens culturels dématérialisés que nous avons toutes les peines du monde à transférer d’un appareil à l’autre (DRM). A l’heure où on ne parle plus que d’opendata, de « Do it Yourself » et autre transparence, c’est particulièrement mal vécu ! Et bien sûr, les différentes affaires autour de l’exploitation des données personnelles (écoutes de la NSA, Big Data, analyse prédictive des comportement, exploitation commerciale floues, etc.) ne sont pas là pour arranger les choses…
L’auteur propose donc de « renverser l’hypothèse de non-confiance » afin que les utilisateurs retrouvent la responsabilité de leurs actions. Quand il s’agit de leurs productions ou de leurs données personnelles, cela peut passer par des systèmes similaires à Mydata (porté par la FING). Si on parle de l’utilisation de données dont l’utilisateur n’est pas le propriétaire (ou qui engagent la sécurité d’un tiers) l’auteur propose un système de « demandes d’exceptions » qui assouplit les règles.
Je ne doute pas de l’utilité et de la sagesse du chemin proposé. Je suis par contre septique sur sa mise en place réel. En effet, j’ai assisté récemment à deux événements réunissant des créateurs et des utilisateurs que vous pouvez retrouver sur les liens suivants :
- Internet freedom: 2013-2014 results – Hadopi 5 ans après : vidéo disponible sur le site Web2day
- « les moteurs de recherche ne sont pas des banques d’images » une table-ronde co-organisée par le Club de la Presse de Bourgogne et Comunitic dans les locaux de la CCI de Côte d’Or : résumé disponible www.adelinelory.fr
Dans les deux cas, l’incompréhension est telle qu’une position commune semble être du domaine des #bisounourseries … Il est vrai qu’en ce moment, les débats autour du numérique ne sont pas vraiment apaisés.
Et maintenant ? Les scénarios extrêmes sont assez simples à imaginer. Un renforcement du contrôle de l’Internet (et des réseaux) d’un coté, avec l’oubli de la neutralité, la fin du 2.0 par perte de confiance et une sorte de retour à la télévision du 20ème siècle. La responsabilité est centralisée. A l’autre bout, on a la disparition de la valeur de l’objet crée. L’acte de création reste « économiquement rentable » mais ensuite vient la perte de la propriété et du contrôle. La responsabilité est personnalisée. Y a-t-il une voie médiane ? rien n’est moins sûr …
Je vous invite en tout cas à lire « La responsabilité numérique – Restaurer la confiance à l’ère numérique » de Jean-Henry Morin pour vous forger votre propre avis !