J’ai eu le plaisir de participer aux Rencontres Régionales de la Recherche et de l’Innovation (RRI) 2021 sur le thème « Tourisme du futur : approche prospective et nouvelles réalités ». Ce fut une occasion de faire un point « d’étape » sur les évolutions des deux dernières années, fortement impactées par la crise mondiale. Je vous propose donc de revenir sur quelques éléments qui m’ont particulièrement marqués.
Dire que le secteur du tourisme a été bouleversé en 2020 et 2021 est un euphémisme. Les restrictions de déplacement ont mis de nombreuses entreprises dans une situation dramatique et des destinations ont vu pur et simplement disparaître les touristes. Il a donc fallut rapidement trouver des moyens de renouer le contact avec « le touriste », soit pour le convaincre de revenir, soit pour qu’il ou elle ne nous oublie pas. Le recours aux technologies immersives a donc connu un fort développement, un peu comme dans le commerce ou les loisirs, secteurs qui ont connu les mêmes problèmes. Je vous invite d’ailleurs à regarder la table ronde sur ce sujet durant l’édition 2021 de Laval Virtual.
Voici donc quelques points et exemples que nous avons essayé de mettre en avant durant cette discussion.
Le jargon s’est largement développé ces deux dernières années et pas uniquement pour le meilleur. Réalité mixte, hyperréalité, réalité améliorée, réalité assistée, space computing, informatique environnante, XR (réalité étendue) ou Metaverse … vous pouvez trouver de tout sur les étales des vendeurs de pelles. Dans l’immense majorité des cas, Il s’agit de RA (réalité augmentée) ou de RV (réalité virtuelle). PS : Le metaverse aujourd’hui n’existe pas, on a des mondes virtuels étanches (aussi grands soient-ils).
L’utilisation des technologies immersives n’est pas un phénomène de mode. Bien entendu, l’annonce par Mark Zuckerberg du changement de nom de Facebook et sa volonté de faire une « Metaverse Company » a donné un retentissement énorme au concept. MAIS … les conditions de 2020 et de 2021 ont profondément modifiées notre idée des déplacements. Nous avons tous dû apprendre (à marche forcée) l’action à distance et cela a été le catalyseur d’une certaine prise de conscience de l’impact/inutilité de certains voyages. Nous allons moins dans les commerces, au bureau ou à certains événements.
Les outils permettant de mettre en place des expériences immersives se sont démocratisés et simplifiés. Il y a tellement d’exemples qu’il est compliqué de choisir ! Pour le dire simplement : le coût d’entrée est marginal (proche de zéro) là ou, il y a quelques années, il se comptait en dizaines de milliers d’euros. Attention, cela ne veut pas dire que le cout d’une expérience est nulle, il a même tendance à augmenter suite à la recherche de qualité de l’utilisateur, mais il est possible de commencer à tester quelques expériences sans se poser immédiatement la question de la rentabilité.
Si l’utilisation des technologies immersives n’est pas nouvelle dans le secteur du tourisme, il existe aujourd’hui des visions plus stratégiques des usages. Le cas de la ville Helsinki me parle beaucoup. En effet, Virtual Helsinki existe depuis 2018 et c’est emblématique d’une stratégie globale sur la mise en place d’un double numérique de la ville avec une orientation plutôt touristique (monuments, photoréalisme). Petit à petit des éléments sont ajoutés comme la visite de lieux peu accessibles ou la reconstruction de différentes périodes historiques, puis le commerce, puis des concerts, puis des espaces “sociaux”, des lieux de discussion sur les aménagements urbains, etc. Plus récemment, les annonces de la ville de Séoul (Corée du Sud) sur la mise en place d’un « Metaverse Municipal » va dans ce sens.
Le contenu virtuel ne s’oppose pas au contenu physique, en RA ou en RV. C’est pourtant une idée largement partagée dans le milieu du tourisme. Aujourd’hui on peut voir de nombreux exemples d’utilisation destinés à mettre en valeur les lieux et le patrimoine in situ. “Sculpture Experience” de Art of Corner par exemple a été présenté au Musée d’Art Naïf et d’Arts Singuliers de Laval pour proposer aux visiteurs une nouvelle fonctionnalités du lieux. A la Forteresse Royale de Chinon, vous pouvez voyager dans le passé.
Mais le contenu virtuel peut être également se vivre « ailleurs », comme dans le cas de l’expérience « Vivez Versailles » qui apporte la magie du château de Versailles partout dans le monde. Ici, l’expérience est d’abord une démarche de communication autours du lieu, même si de nombreux objectifs secondaires sont possibles (préparation de visite, vente de services, éducation, etc.)
Il y a autant de modèles économiques que d’expériences, même si aujourd’hui peu de modèles sont clairs et pérennes. Cependant, il devient de plus en plus « normal » de proposer des services réels par l’intermédiaire des outils virtuels. En forçant un peu le trait, on peut se dire que l’audioguide (payant) n’est pas une nouveauté et qu’un audioguide ++ utilisant de la réalité augmentée n’est pas une révolution complète. Mais on voit également des propositions plus innovantes comme les visites virtuelles payantes, voir des expositions qui ne sont que virtuelles. On peut remarquer que des géants comme Amazon s’intéresse de prêt au sujet de ces visites virtuelles guidées payantes avec le test Amazon Explore.
Un dernier point enfin, qui n’est pas spécifique au tourisme et qui a commencé bien avant la pandémie, l’utilisateur (touriste ou consommateur) est habitué depuis presque 20 ans à vivre une partie de sa vie de manière connectée. Comme le décrit Sophie Lacour dans sa conférence en première partie de cette rencontre, cela implique qu’il est informé ou du moins qu’il peut trouver toutes les informations dont il a besoin. Il est habitué à acheter des produits en ligne, y compris des produits virtuels (achat in app dans les jeux par exemple). Cela ne le surprendra donc pas qu’on lui en propose dans le tourisme, encore faut-il que ces derniers soient de qualité. Et oui, avec plus de 10 millions de casque Oculus Quest 2 vendus, notre utilisateur commence à régulièrement utiliser la réalité virtuelle, dans son quotidien et sa vie professionnelle. Pourquoi donc serait-il gêné de l’utiliser pour le tourisme ?
Pour tous les professionnels du tourisme, il devient urgent de construire sa stratégie « immersive ». Et je parle de stratégie à dessein ! En effet, nous avons vu qu’il est relativement simple aujourd’hui de créer rapidement des expériences immersives. Mais seront-ils cohérents avec vos produits touristiques ? Allez-vous proposer une histoire à vos clients ou une série de petites actions marrantes mais vite oubliées ? Comme tous les outils de promotion, vous aurez tout intérêt à bien identifier les utilisateurs pour produire un contenu pertinent. C’est principalement cette création qui demandera des ressources (en temps et en argent) et il serait dommage de na pas la rentabiliser. N’oubliez pas également de mettre en place des indicateurs de succès. Sans eux, vous aurez bien du mal à savoir si vous arrivez au but !
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Mise à jour du 21 janvier 2022 : intervention sur le sujet du tourisme au rendez-vous WIT’21 Week-End Innovation Tourisme « Comment les technologies immersives ré-inventent-elles l’expérience touristiques ? »