L’engouement pour les lunettes connectées (sans écran) semble devenir un peu fou ces derniers mois. La présentation des Ray-Ban Meta en 2023 et, depuis, la confirmation de leur succès par EssilorLuxottica a enflammé les constructeurs qui veulent tous s’engouffrer dans cette voie. On peut évidemment se poser la question de la taille réelle du marché, mais je vous propose de nous concentrer dans cet article sur un autre point, probablement plus intéressant pour les créateurs de contenus en RA : allons-nous suivre une résurrection de la réalité augmentée sonore ?
La RA sonore
Commençons par un petit rappel. La réalité augmentée, c’est avant tout la possibilité d’ajouter à notre perception des éléments numériques liés à notre environnement (vous trouverez ici une définition plus précise). Comme nous percevons le monde par divers sens, dont l’audition, on peut faire de la réalité augmentée sonore aussi bien que visuelle. En pratique, il y a peu de propositions dans cette catégorie (moins de 4% des expériences de RA sont purement sonores) car nous, humains, sommes principalement focalisés sur notre vision. On peut trouver des usages spécifiques du côté de la santé, en particulier de l’aide aux malentendants ou aux mal voyants où la valeur ajoutée du dispositif est évidents. Dans les usages de loisir, peu d’expériences ont réellement émergées. Nous avons pu tester quelques variations autour du concept d’audio guide (un lieu où une image déclenche un son) comme l’a proposé Foursquare en 2020. Plusieurs expériences sont d’ailleurs restées sans suite comme le partenariat entre Sony et Niantic en 2022. Pourquoi aussi peu de propositions dans ce secteur ? Probablement parce que l’audio guide n’est pas vraiment innovant et qu’il a plus tendance à évoluer vers un « visio guide ». De plus, comme nous l’expliquait Alain Goudey en 2015 sur RA’pro, ajouter un son sur un son n’est pas si simple que cela.
Les lunettes
Les lunettes connectées semblent de parfaits instruments pour la RA sonores. Elles contiennent des capteurs d’environnement ou utilisent ceux du smartphone, tout en ne pouvant communiquer avec l’utilisateur que par le son !
Je ne vais pas vous refaire une liste des dernières annonces. Je vous conseille de relire l’article RA’pro sur leurs présentations au CES 2024, celui d’ Antony Vitillo sur les annonces de Xiaomi, Baidu, Amazon et Rockid et s’il vous en vaut encore, vous pouvez aller voir Vuzix, Viture, Samsung, Sharp ou Apple… Les raisons du succès des Ray-Ban Meta sont finalement assez simples (on dit toujours cela a posteriori). Contrairement à d’autres appareils comme les casques de réalité virtuelle, elles bénéficient d’une acceptabilité sociale bien établie. Les lunettes, en tant qu’objets du quotidien, sont familières aux utilisateurs et offrent une base solide pour l’introduction de nouvelles technologies sans perturber les habitudes. Les Ray-Ban Meta sont simples d’utilisation avec des fonctionnalités faciles à comprendre (merci l’IA). Elles sont soutenues par une marque reconnue avec un positionnement de prix cohérent. Cela ne vous rappelle pas le succès de Pokemon GO dans un autre registre ?
Vont-elles rester pour un moment dans le paysage des « wearables » ou ne sont-elles qu’une forme de transition vers des modèles plus sophistiquée comme les Meta Orion ? Je prends le pari que les deux affirmations sont vraies 🙂 Les prochains modèles de lunettes de RA sont en cours de conception, mais elles n’arriveront sur le marché public que dans 5 ans minimum et il faudra encore 4 à 5 ans pour qu’elles soient disponibles au plus grand nombre. Nous avons donc devant nous presque 10 ans d’utilisation de ces lunettes connectées, de quoi développer des usages intéressants. On peut même aller un plus loin puisque les lunettes connectées actuelles, bien qu’encore limitées dans leurs capacités, préparent le terrain pour des technologies plus complexes, en familiarisant les consommateurs avec de nouveaux usages. Elles commencent déjà à évoluer en intégrant des fonctionnalités annexes comme des capteurs de température, à l’image des montres connectées. Cette diversification augmente leur utilité et élargit leur potentiel marché.
La RA sonore dans les lunettes
Vous l’avez surement compris, les lunettes connectées ont le facteur de forme idéal pour la RA sonore. Elles vont augmenter régulièrement leur nombre d’utilisateurs et sont probablement sur le marché pour longtemps. C’est le moment idéal pour développer des applications de RA sonores pour ces lunettes connectées.
Pour le grand public, l’utilisation de l’IA générative permet de fluidifier et de personnaliser les audio-guides et même de les gamifier pour les transformer en escape game ou en chasse au trésor. L’accès direct à ce que voit l’utilisateur est une donnée formidable pour imaginer des usages de traduction, d’assistance ou même de bien-être. Imaginez une application de visites touristique qui puisse vous conseiller, au cours de votre parcours, une petite halte dans un parc pour prendre le temps de vous reposer !
Coté professionnel, il est également possible de reprendre les fonctionnalités de guidage pour optimiser de la logistique, des déplacements ou simplement comme assistant à la gestion d’un planning plein de rendez-vous. Cette fonction d’assistance pourra également être disponible sous la forme d’une aide à la réalisation de tâches. Couplée à une interface naturelle pilotée par une IA qui possède dans ses données les bons manuels d’utilisation, les lunettes connectées deviennent un outil indispensable pour faciliter les opérations de maintenance et de contrôle.
Aujourd’hui, il reste encore quelques étapes pour faire du marché des lunettes connectées une véritable opportunité pour les développeurs d’applications de RA. On souhaiterait par exemple que Meta ouvre un magasin d’applications pour les Ray-Ban Meta, permettant ainsi une meilleure visibilité sur le déploiement. Je prends le pari que cela ne saurait tarder, sinon tous les autres constructeurs cités dans cet article se feront une joie de le faire !