La dernière enquête de PwC sur les technologies émergentes est intéressante, car elle fait apparaître une volonté d’investissement des entreprises dans les technologies XR mais également des volontés d’utilisation très concrètes. Je vous propose de faire le tour de quelques chiffres pour finir l’année 2023 sur des perspectives de croissance du secteur.
Comme avec toutes les enquêtes, la première étape consiste à en comprendre le périmètre pour éviter des généralisations trop hâtives. Dans une étude de 2016, PwC a sélectionné 8 technologies qualifiées d’ « essentielles » pour le développement des entreprises : AI, Internet of Things (IoT), virtual reality, augmented reality, advanced robotics, blockchain, quantum computing, neuromorphic computing. Le sondage de 2023 porte sur la volonté d’investissement dans les 12 prochains mois de 1026 personnes, aux USA, faisant partie d’entreprises dont le CA est supérieur à 500 millions de dollars. Vous comprenez donc que les résultats ne reflètent pas les stratégies européennes (et en encore moins françaises), ni celles des plus petites entreprises. De même, on parle bien de volonté d’investissement et non de projets déjà financés.
Avec ces précautions, on peut constater que les technologies immersives sont bien placées dans les intentions d’investissement avec 35% pour la VR (3ᵉ place) et 34% pour l’AR (4ᵉ place). Les usages avancés par PwC dans son article précédent sont très pragmatiques : formation, onboarding, collaboration, etc. Les usages mis en avant par les entreprises sont également parfaitement concrètes : améliorer les produits, aller plus vite sur le marché, réduire les coûts, etc. Cela nous montre une fois de plus que la XR est attendue sur des scénarios de ROI en lien avec les besoins « classiques » des entreprises. À l’heure où une partie des prestataires tentent de revoir leur communication pour tenter que faire passer le « spatial computing » pour une nouvelle innovation, c’est pour moi un signal clair qu’on peut traduire par « no more bullshit! ».
Au-delà de ces chiffres, ce qui me semble également pertinent pour l’AR comme pour les autres technologies, ce sont les 4 bonnes pratiques mises en avant, tirés des usages concrets des « EmTech Accelerators », c’est-à-dire des 7% de répondants dont les entreprises sont les plus en avance dans l’intégration de ces technologies. Si vous lisez régulièrement mes articles, je suis désolé de vous dire que vous n’allez rien apprendre 🙂
Réinvention du métier
Si la XR entre dans l’entreprise sur un problème concret, elle doit rapidement être utilisée dans toutes les actions de l’entreprise ou elle peut faciliter les processus. Et au-delà, elle doit permettre d’augmenter les parts de marché, soit en aidant à adresser de nouveaux clients, soit en allant sur de nouveaux marchés (ou les deux). Pour cela, les expériences doivent être trouvées dans tous les secteurs, pas seulement celui de l’entreprise elle-même. En pratique, cela implique de faire de la veille (ou de l’externaliser) ET d’avoir en interne des collaborateurs et des collaboratrices suffisamment formés, intéressés et au courant des métiers pour se projeter dans des « cas d’usages » externes.
Prévoir des ressources adaptées
L’intégration de technologies nouvelles dans l’entreprise à un coût, en argent et en temps. Cela implique plusieurs choses. D’abords, si la veille est obligatoirement générale, il est absolument nécessaire de faire des choix dans les technologies à expérimenter. Dans la grande majorité des entreprises, les budgets d’exploration ne sont pas extensibles et la dispersion se paye par l’absence de résultats. Cela rejoint la nécessité précédente : avoir des personnes en mesure de faire des choix. Ensuite, les ressources misent à disposition en temps et en argent doivent être à la hauteur des attentes. On enfonce une porte ouverte, vous le voyez bien, mais malheureusement dans de nombreuses entreprises les budgets dédiés sont variables. Cela entraîne des difficultés dans la gestion des projets innovants et un épuisement de personnes qui les portent. J’insiste particulièrement sur le budget temps qui est, en pratique, la capacité de permettre à des spécialistes « métier » d’accompagner ces potentielles innovations. Former les personnes pour être efficaces dans cet accompagnement ET leur permettre de le faire en toute sérénité est une condition impérative pour la réussite.
Convergence et intégration des technologies
L’innovation peut arriver de toutes parts, c’est pour cela que la veille est nécessairement large. Une fois votre cas d’usage défini en XR (mais c’est vrai pour les autres technologies) et les premiers tests rapidement effectués, vous devrez penser l’intégration aux outils existants. Les points de contacts sont multiples entre les outils : data, sécurité, permission, ressources de calcul ou de connexion, etc. L’intégration se prévoit très en amont des projets et, j’insiste souvent là-dessus, avec toutes les parties prenantes. Cela inclus l’informatique, le juridique, les RH, les prestataires externes, les fournisseurs, les clients, etc. Cela ne veut pas dire que les premières réunions doivent ressembler à des pots de fin d’années, mais que cette intégration doit être planifiée pour inclure les bonnes personnes aux bons moments. Découvrir une contrainte importante avant une étape de mise en place est le meilleur moyen pour faire perdre confiance dans un projet.
La technologie est au service de la stratégie business
La stratégie est définie au niveau de l’entreprise et, comme on l’a vu plus haut, l’introduction de la XR va (doit) pousser à une réinvention des métiers. Tout cela doit évidemment être cohérent. Pour ça, il n’y a pas de recette miracle, les deux groupes (innovation et business) doivent être proches et collaborer régulièrement. C’est cette confiance mutuelle qui va aider à sélectionner les « bons » projets dont nous avons parlé précédemment. J’insiste sur la notion de confiance, car c’est une condition nécessaire pour l’efficacité des choix. La collaboration ne suffit pas et la confiance ne se décrète pas. Vous le comprenez, nous revenons à ce qui est en filigrane tout au long de cet article : former et informer pour rendre les personnes « agiles », capables de comprendre et de se projeter dans une technologie.
Et pour les autres entreprises
Nous l’avons précisé au début, cette enquête a porté sur des grandes entreprises aux USA. Est-ce transposable en France, en Europe, dans les moyennes ou petites entreprises ? Pour ma part, j’en suis persuadé. Dans plusieurs articles de ce site, j’ai souvent insisté sur la méconnaissance du domaine de la réalité augmentée comme principal risque des projets. S’il n’est pas possible pour toutes les entreprises d’avoir en interne des spécialistes de la veille, il est simple aujourd’hui de faire appel à du conseil ou d’utiliser les ressources publiques pour en savoir plus. Le site de RA’pro est une de ces ressources et l’association vous permet même de défricher un projet. Et soyons clairement, on n’a rien sans rien, c’est le principe du triangle d’or des projets. Les petites entreprises ont cet avantage non négligeable : elles peuvent rapidement décider et mettre en place. Aujourd’hui, dans un monde économique peu stable, cette agilité est précieuse. Profitez-en pour vous démarquer de vos concurrents !