Nous avons pu profiter cet été de deux publications très intéressantes sur les usages de la RA dans l’industrie, et plus particulièrement sur les risques et les barrières liées à ces usages. Un rapport de l’ European Agency for Safety and Health at Work (EASHW) se penche sur les risques spécifiques apportés par l’utilisation de la XR (vous trouverez une synthèse sur le site de RA’pro) et une étude de l’AREA (AR for Enterprise Alliance) se penche sur les barrières à l’adoption de l’assistance en RA pour l’industrie. Dans les deux cas, on peut retrouver des indications particulièrement intéressantes pour mener à bien un projet de réalité augmentée en minimisant les risques d’échecs. Profitons donc de cette rentrée pour faire un point sur quelques risques mentionnés dans les documents et les meilleurs moyens de les éviter !
Vous pouvez retrouver plusieurs articles sur ce site reprenant tous les points importants d’un projet de RA et les bonnes pratiques.
L’adéquation entre l’entreprise, le besoin et la technologie
Je pense qu’il n’est plus utile de répéter que, comme dans tous les projets, le besoin doit être défini pour que la réalité augmentée ait une chance d’y répondre. L’exemple donné par l’étude de l’AREA est un peu caricaturale, mais il a le mérite d’être simple à comprendre : Utiliser la RA dans le contrôle qualité implique que la technologie soit assez précise pour faire ce contrôle. Avec cette définition, il est possible d’imaginer des critères de réussite qui seront les « maîtres étalons » pour le suivi et permettront, le cas échéant, de corriger le tir.
Mais cela ne suffit pas et l’AREA met l’accent également sur l’adéquation avec la taille de l’entreprise et, pour être plus précis, sur le budget disponible. Le coût initial est en général assez facile à estimer, mais le coût de maintenance est souvent minimisé, voir oublié. Je l’ai dit, dans un secteur en évolution comme la réalité augmentée, ce coût n’est jamais négligeable si on veut construire des solutions pérennes. Un constructeur de matériel disparaît ou est racheté par un concurrent ? Une application change radicalement son modèle économique ? La fenêtre de réaction est souvent de quelques mois… Comme faire face à cette incertitude ? De manière assez simple, le projet doit prévoir des étapes postérieures à la mise en production qui ont pour objectif à la fois d’évaluer les résultats, mais également de prévoir dans la mesure du possible les évolutions de matériel et de logiciel. Si les ordinateurs ont une durée de vie de l’ordre de 3 à 5 ans (au sens de l’amortissement), il convient pour les matériels de XR de plutôt anticiper une durée de 2 ans. Les étapes « post production » doivent donc être imaginées tous les 6 mois avec une évaluation destinée à prévoir un budget additionnel pour l’étape suivante (donc 6 mois après). Il ne faut jamais oublier que si le ROI de la réalité augmentée n’est plus à prouver dans bien des cas d’utilisation industrielle, le ‘I’ vient toujours avant le « R ».
Dans certains secteurs particulièrement contraints par des réglementations et des certifications (comme la santé, la défense, etc.) cette démarche proactive permet également de ne pas se faire surprendre. C’est d’autant plus vrai que les standards et les normes dans le monde de la XR peuvent également évolués
La prise en compte de l’utilisateur
La réalité augmentée, par définition, va apporter des informations à l’utilisateur final, celui ou celle qui réalise des opérations sur le terrain. Il parait donc évidement que c’est cet utilisateur qui doit être au cœur des préoccupations.
Le rapport de l’EASHW donne la liste des points qui doivent être prises en compte dés le début. L’équipement est-il adapté aux personnes et à leur particularité (vision, niveau de formation, handicape, etc.) ? Le plus simple reste de faire des tests le plus rapidement possible, avec, par exemple, des applications disponibles sur les différents magasins d’application. Vous pourrez de cette manière évaluer la confiance des personnes dans la prise en main de cette technologie et éviter les problèmes ultérieurs.
Il est également nécessaire de tester la RA en condition réelle, sur le poste de travail. Est-ce que la concentration de l’opérateur est compatible avec une augmentation ? Est-ce que l’outil apporte un niveau de stress, de distraction supplémentaire ? Comment imaginer une ergonomie qui soit la plus adaptée possible ?
Les deux documents soulignent un point important qui me semble trop souvent négligé dans les projets de RA : la modification des organisations et des processus. Si la RA a pour objectif de faciliter le travail et d’en augmenter son efficacité, elle va nécessairement faire évoluer les conditions de travail et, potentiellement, engendrer des résistances au changement si rien n’est pris en compte. Il ne faut jamais oublier que les matériels de RA (casque ou lunettes) ne sont pas encore des objets de la vie courante comme les smartphones ou les ordinateurs. Une période de formation et d’adaptation est toujours nécessaire.
La transformation des processus peut être une évolution assez difficile à évaluer et à suivre, même si dans le projet initial l’objectif était de ne pas (ou peu) les modifier. Le ou la responsable du projet doit avoir un moyen de la mesurer (parfois simplement en discutant régulièrement avec les utilisateurs). Ces modifications doivent être connues, acceptées et suivies. Sans cela, le risque est de voir diverger des méthodes, des façons de faire et de voir apparaître une fracture entre les utilisateurs de RA et les autres. Cela se traduit par des tensions dans les équipes et peut aller jusqu’à la non-utilisation des outils mis en place.
L’intégration aux outils existants
Si la RA apporte une efficacité plus grande aux opérateurs de terrain, c’est bien en utilisant les données de l’entreprise et plus particulièrement en les mettant à disposition au bon endroit et au bon moment. Ces données sont stockées dans l’infrastructure IT de l’entreprise et, le plus rapidement possible, les modes de communication entre l’IT et les outils de RA doivent être clairs et validés.
Comme le souligne l’AREA les premiers tests peuvent être faits en dehors de l’infrastructure principale, pour faciliter l’évaluation du potentiel de la RA pour résoudre un problème donnée. Mais très rapidement, l’IT doit être partie prenante du projet pour faciliter les flux de données. C’est d’autant plus vrai que, rapidement, des questions de cybersécurité vont se poser. Le projet doit être conforme aux standards de sécurité de l’entreprise, lui-même potentiellement soumis à des certifications particulières du secteur. Les données de l’entreprise, des personnes doivent être protégées de manière adéquate. La RA a besoin de réseaux, elle nécessite souvent de filmer et de diffuser des images en temps réel. Autant de contraintes qui ne sont pas anodines.
Il n’y a qu’un seul moyen de limiter cette partie des risques, mettre la DSI, l’IT très tôt dans le projet et, surtout, les faire participer à son évolution.
Le suivi du projet
Le rapport de l’AREA insiste sur la vitesse d’évolution du secteur de la XR et c’est un risque à prendre en compte, en particulier sur des installations destinées à durer plus de 5 ans. J’ai déjà abordé cette question dans la première partie en insistant que la nécessité des étapes “post-production”.
Je voudrais insister sur autre point qui rend le suivi indispensable. Souvent, il sera nécessaire d’encourager l’utilisation de la solution dans l’entreprise, en particulier si les nouveaux utilisateurs sont réguliers. Nous l’avons déjà dit, il est facile de contourner les solutions si on ne se sent pas à l’aise avec. Les usages seront d’ailleurs certainement amenés à évoluer. L’expérience montre que les besoins exprimés initialement évoluent rapidement une fois que la technologie est maîtrisée. Cette “maintenance évolutive” est donc un point critique à prendre en compte, car elle va très certainement déborder du cadre initialement prévu. Les étapes de 6 mois que j’ai évoqué plus haut sont destinées à anticiper ces évolutions.
Du risque à l’opportunité
Comme nous venons de le voir dans ce court survole des deux documents, la mise en place de la RA dans une entreprise nous oblige à prendre en compte un certain nombre de risques. Si certains sont particulièrement liés à cette technologie (les contraintes physiques du matériel, la nouvelle manière d’accéder aux données), d’autres sont présents dans la plupart des projets numériques (les interactions avec le SI, la sécurité des données, la formation). Dans tous les cas, une anticipation simple permet de les faire disparaitre. Je peux même affirmer qu’il est possible de les transformer en véritables opportunités pour l’entreprise. En effet, la modification des méthodes de travail sera bénéfique à la fois pour l’entreprise et pour l’utilisateur, sinon quel est l’intérêt de mettre en place ce projet ? De même, un travail précis sur la circulation des données, sur leur sécurité sera une excellente occasion d’améliorer le SI de l’entreprise. Comme le précise un des points clés de l’effectuation : “avec des citrons, faites de la limonade !”.