Je vais encore une fois revenir sur l’importance du lieu dans une application de réalité augmentée. J’en avais déjà parlé pour détailler les types d’interactions envisageables et de manière plus détournée pour évoquer la transformation du lieu physique à l’ère du Metaverse. Cette fois, c’est grâce (ou à cause) de l’intervention de Michael Guerin (fondateur de Lureo et de Imvizar) lors du dernier AWE car je trouve particulièrement claire sa vision sur le sujet. La vidéo est en fin d’article.
Michael Guerin parle à juste titre de « Spatial Storytelling » pour décrire les expériences de réalité augmentée qui prennent place dans un lieu précis pour vous embarquer dans une histoire et vous faire découvrir de nouvelles choses sur le lieu lui-même. L’objectif est de créer une connexion émotionnelle qui va marquer l’utilisateur et véritablement engendrer des souvenirs durables. Pour cela, il met en avant cinq éléments à penser dans l’ordre : Le lieu, les visuels, le mouvement de l’utilisateur, l’interactivité et le son.
Les cinq éléments clés du storytelling spatial
Cela peut paraitre évident, mais le lieu est le point de départ fondamental, avant même le script. C’est l’analyse du lieu physique qui va inspirer la narration pour que l’expérience soit intégrée harmonieusement et non plaquée artificiellement. Cela ne veut pas dire que dans un lieu historique, on ne peut raconter que de l’ « histoire » mais qu’il faut une certaine logique dans le lien pour que l’utilisateur s’immerge dans l’expérience. Un travail nécessaire sera donc d’expliquer ce lien s’il n’est pas évident et peut-être de le rappeler de temps en temps. De manière très concrète, le lieu va également imposer des contraintes, en particulier pour les expériences qu’on veut interactives, comme on le verra pas la suite.
Le rôle des visuels est de rendre l’expérience crédible. Michael Guerin parle de « traverser le fossé de plausibilité » qui consiste dans un premier temps à supprimer tout ce qui peut briser l’immersion : une mauvaise intégration, des problèmes d’occlusion mal gérée ou des contenus anachroniques. Les éléments visuels en réalité augmentée ajoutent des couches de sens qui ne sont pas visibles autrement. Savoir gérer la bonne quantité de visuels est important, pour apporter du concret à la narration mais sans pour autant distraire l’utilisateur.
Le déplacement de l’utilisateur est un autre facteur clé. La réalité augmentée s’inscrit dans la réalité et, dans la réalité, on bouge ! La narration doit donc encourager le déplacement de l’utilisateur. Ces mouvements vont renforcer l’immersion et l’action rendra l’expérience mémorable. Comme le précise Michael Guerin, si l’utilisateur reste statique, autant lui proposer une vidéo (classique, 180° ou 360°) qui sera plus simple à réaliser. Comme dans le cas des visuels, doser la bonne quantité de mouvement est crucial, car elle doit être à la fois adapter à l’espace et au public.
Évidement, puisque l’utilisateur se déplace, autant qu’il soit actif et qu’il puisse interagir avec l’expérience. Cela n’implique pas obligatoirement de multiples ramifications dans le scénario et l’obligation de construire des chemins complexes. Une histoire assez linéaire peut comporter de multiples interactions comme étapes nécessaires du déroulement. Ce qui est important est dans l’utilité de l’action qui renvoie à l’utilité de celui ou celle qui vit l’expérience. On revient une fois de plus à l’implication qui laissera une trace durable dans l’esprit.
Le son enfin est un élément fondamental de l’expérience. Il est cité en 5ème position, mais soyons clair, il se pense avec les visuels. Il est toutefois intéressant d’y revenir après les éléments précédents, car cela va permettre de compléter le paysage sonore pour construire une ambiance globale.
Une stratégie pour tous les domaines

Je me suis permis de résumer assez grossièrement l’intervention de Michael Guerin et je vous invite à regarder la vidéo pour avoir une vision plus complète et les illustrations des expériences qu’il a contribué à concevoir chez Imvizar. Je voudrais terminer cette discussion en élargissant le sujet. Michael Guerin utilise beaucoup d’exemples de lieux historiques et culturels, car ils possèdent un patrimoine assez important pour faciliter la conception d’applications. Mais il donne également l’exemple des concerts de Gorillaz à Times Square et à Piccadilly Circus. Dans ce cas, l’adéquation entre lieu et contenu n’était pas aussi évidente. On doit donc garder à l’esprit que tous les lieux sont potentiellement pertinents : une boutique, une place, un chemin, un arbre, etc. Et tous les objectifs sont envisageables comme la vente, l’onboarding, l’éducation ou l’art. La « seule » contrainte reste le lien que nous avons évoqué en première point : ce qui va relier dans l’esprit de l’utilisateur l’endroit et l’histoire.
A l’heure où nous pouvons nous poser des questions sur les usages des lunettes connectées, n’aurions-nous pas là une excellente source d’inspiration ?
